Les routes de limmigration continuent denregistrer des candidats. Quils soient de lAfrique, de lAsie ou du proche orient, ils fuient tous leur pays dorigine esprant des lendemains meilleurs ou simplement pour se sortir daffaires parfois rocambolesque. Aujourdhui, nous vous racontons lhistoire mouvante de Monsieur Toure Moussa n le 01 janvier 1981 Abidjan prcisment dans la commune Yopougon en Cte dIvoire, clibataire et pre de 6 enfants.
Alors que la crise lectorale ivoirienne bat son plein, Moussa Tour est interpel le lundi 04 Avril 2011, par un groupe arm de kalachnikov Yopougon Gesco (sous quartier dAbidjan). Il se rclamait tre des lments des forces nouvelles de Cote dIvoire (FRCI). Ces derniers venus du nord du pays, croisaient le fer avec des miliciens, des groupes arms et larme rgulire. Nous tions plusieurs au contrle des pices d'identit. Un parmi eux avait le mme nom et prenons que moi (TOURE Moussa). Ce dernier ma accost et demand d'tre leur guide parce que son groupe venu dailleurs ne maitrisait pas la ville dAbidjan. Jai accept leur demande par peur de reprsailles. Une semaine plus tard, nous nous sommes familiariss. Ils m'ont octroy une arme automatique que jai appris manipuler. Par la suite, nous nous sommes retrouvs en caserne. Je me retrouvais ainsi lment des forces rebelles ivoiriennes (FRCI) explique ce dernier. Comme bon nombre de jeunes ivoiriens cette poque, certains ont t embarqus de gr ou de force parmi les combattants. Les plus chanceux ont t intgr dans larme rgulire quand dautres ont t dsarm, dmobilis et prier daller faire voir leur talent ailleurs. Moussa qui espre entre temps intgrer larme, verra ses rves ruins.
Nous sommes au lundi 10 Aot 2015, un rassemblement de commandement. Il voit plusieurs de ces amis ayant la mme situation que lui, intgrer larme ivoirienne. La mort dans lme, il se voit remerci comme bien dautres. Pour les faire esprer, certains il leur a t signifi quaprs lopration de dsarmement, ils seront considrs comme des rservistes.
Commence ainsi la traverse de dsert pour Moussa. Habitant dun sous quartier, majoritairement habit par les partisans de monsieur Laurent GBAGBO, il doit dsormais faire face ces anciens voisins. Ces derniers lavaient tiquet comme une personne ayant aid les FRCI tax de rebelles renverser leur leader. Un seul choix soffrait moi, partir. Par dfaut de moyen financier, jai t contraint de rester sur les lieux. Finalement, au moment o je pensais que la tempte tait derrire moi, cette crainte que javais, sest avre relle lorsque le 30 aout 2015, j'chappais un guet-apens. Depuis ce jour, je suis all me rfugier le mercredi 2 septembre 2015 dans le village de mon Pre (TIEMASSOBA situ dans la sous-prfecture de Massala, au nord de la Cote dIvoire) explique celui qui a eu le malheur, 4 ans plutt, de servir de guide des soldats.
Quand limmigration simpose Dans ce village, limam (le guide spirituel de la mosque) tait le frre an de mon Pre. Pendant que jesprais profiter de la tranquillit que moffrait ce beau paysage, je fus le tmoin oculaire des prparatifs dune crmonie dexcision grande chelle dans ce village. Jai t choqu de constater que cette pratique ancestrale battait tambour dans mon village. Tout le village semblait inform et impliqu. Plus grave, la fille de l'imam (Toure Manboba 19 ans) devrait y participer. Comme si le malheur me suivait, je dcidais de lempcher contre vent et marr, pour que cela fasse cas dcole pour les gnrations futures et mettre fin cette pratique ignoble. Je commenais par expliquer la jeune fille les dangers de lexcision. Au regard de tous ces dangers, la jeune fille sest confie moi. Vierge quelle tait et sous leffet de la tradition, elle croyait dur comme fer que ctait une obligation pour elle de sy plier. Si daventure, elle refusait, elle serait prise de force pour tre exciser. Face cela, je lui ai propos mon aide pour quitter le village dans le secret que tout cela implique. Malgr mon insistance garder le secret, elle na pu sempcher dinformer sa meilleure amie se retrouvant dans la mme situation quelle. Je navais plus une mais deux personnes sauver. Il me fallait tout faire pour faire fuir ces deux jeunes filles du village. En mme temps-l, je mexposais une terrible punition des villageois. Le jeudi 17 Dcembre 2015, jai emprunt la moto de Dosso Melaman (un ami) pour leur fuite. Nous avions rendez-de-vous 21 heures l'autre bout du village et de l, elles ont pu dmarrer et atteindre Sgula (ville du nord de la Cote dIvoire) et ensuite un car pour se retrouver Abidjan. A lapproche de la date de la crmonie, linformation reste secrte a t dvoile par les parents de mon ami, Dosso Melaman et son pouse Dosso Fatou travers lhistoire de la moto. Ayant eu chos, mon oncle est venu me voir pour la confirmation. Jai d lui confirmer au vues des preuves flagrantes. Cest l que malheureusement les choses vont prendre une trs mauvaise tournure pour moi. Alert, limam piqua une crise dhypertension artrielle (un AVC) et perd la vie. Ma responsabilit a t engage. Tous les villageois men voulaient. Une foule en colre, incontrlable est venue mon domicile pour se venger. Jai eu mon salut grce lintervention des sages. Je me suis en sorti avec plusieurs fractures au poignet et la hanche. Je souffre encore de ma fracture la hanche (Il nous prsente une radiographie). Suite cela, j'ai du marcher sept kilomtres et pour enfin bnficier de laide dune personne bienveillante qui m'as pris moto pour la ville de Sgula. Ensuite, j'ai pris un car pour Abidjan. Malgr de nombreuses campagnes menes par les autorits sanitaire et gouvernementales, lexcision reste une pratique la peau dure dans certains village recul du pays.
Retour la case dpart Je me retrouve encore Abidjan, cette ville que jai d fuir pour ma scurit. Juste quelques jours aprs mon arrive, jai t inform par mon frre cadet via un appel tlphonique, que le fils ain de feu limam tait ma recherche et quil avait mme dj mis des enqutes pour me localiser Abidjan. Je me retrouvais ainsi dans une situation trs complexe. Dune part, revenu dans mon ancien quartier (Yopougon-Gesco) l o je pouvais sentir une atmosphre trs tendu et ma prsence trs dteste et dautre part, le fils ain de feu limam qui tait ma recherche. Aucune autre alternative ne soffrait moi que partir, quitter ma Cte DIvoire natale pour sauver ma vie. Une dcision trs difficile car je devrais laisser derrire moi toute une vie, le boulot, ma concubine et mes six enfants Je me retrouvais donc la gare de Niamey. Apres avoir y passer un jour, le 23 Dcembre 2015, j'ai quitt la Cte d'Ivoire.
Pris dans des imbroglios, et pour sauver leur vie, plusieurs ivoiriens sont ainsi contraints rester loin de leur famille dans lespoir de voir le temps faire son effet et la tempte passer.
Yvann AFDAL