Dans cette interview, Abraham Denis Yaurobat, le prsident du Groupe de plaidoyer et d'actions pour une transparence lectorale (GPATE), consultant en droit de l'Homme, livre les propositions de la socit civile pour la rforme de la commission lectorale.
Sept organisations de la socit civile, dont la vtre, ont entam une tourne auprs des partis politiques afin dchanger sur la rforme de la commission lectorale. Que proposez-vous?
Dans nos tournes chez les partis politiques, nous avons chang sur des principes qui doivent conduire la mise en place dun organe unique de gestion des lections. Larticle 17 de la Charte africaine sur la dmocratie, les lections et la gouvernance indique que chaque tat sengage mettre en place un tel organe, sur la base des principes dindpendance, de neutralit, dinclusivit et dimpartialit. Il faut que lorgane soit indpendant des acteurs politiques et de tous les candidats, impartial dans son jugement et inclusif dans les modalits de sa mise en uvre.
Quelles sont vos propositions pour la composition de la commission lectorale ?
Nous avons propos la rduction du nombre de personnes au sein de la commission lectorale. Au Canada, il y a un directeur charg des lections recrut aprs appel candidatures. Il a un bureau et un budget qui lui permettent de grer les lections et est responsable devant le Parlement et la Nation. Dans un vaste pays comme lInde, qui compte un milliard dhabitants, trois personnes grent la commission lectorale. Le nombre plthorique que nous avons ici nest pas indispensable pour lorganisation dune lection crdible. Nous proposons galement la rduction de linfluence des partis politiques. dfaut, et vu le contexte national, avec des grandes suspicions, nous proposons trois personnes du parti au pouvoir et trois autres de lopposition. celles-l il faudra ajouter sept reprsentants de la socit civile, les magistrats, le Barreau, les organisations de dfense des droits de lHomme, les organisations fminines et celles qui sintressent aux questions lectorales. Pour ce qui est de la prsidence, nous souhaitons quelle soit occupe par quelquun dexempt de toute suspicion par rapport son activisme politique et qui nait aucune accointance avec les partis politiques. Il pourrait tre propos par la socit civile. Lobjectif est davoir une commission lectorale dbarrasse de toute influence, qui fasse lunanimit sur sa comptence, son honntet et son professionnalisme et soit lave de toute suspicion.
Est-il possible, dans le contexte ivoirien, davoir une commission lectorale neutre et indpendante?
Je pense quil faut sortir de ce schma, parce que la neutralit et lindpendance sont une question de responsabilit et de professionnalisme. Avec plus de 23 millions dhabitants, il nest pas impossible de trouver des personnes capables, neutres et responsables pour mener bien un processus lectoral. Il faut juste dfinir les critres pour en trouver.
Vos propositions concernent galement le Code lectoral. Quels sont les points pour lesquels vous souhaitez une rvision?
La rvision du Code lectoral simpose, car celui en vigueur prend appui sur la Constitution de 2000, qui nest plus dactualit. Il doit sadapter la nouvelle Constitution. Il y a aussi les questions de transhumance et de convoyages des lecteurs quil faut traiter, car du point de vue de lthique et de la dmocratie, cela fausse le jeu lectoral et le jeu dmocratique. Il faut mettre fin la transhumance des lus, car cela apparait comme une trahison envers les populations. Le dcoupage lectoral est une prrogative de la commission lectorale, mais certaines dispositions donnent la latitude au gouvernement de le faire. Il faut clairer cela. Avec le dcoupage lectoral actuel, certaines localits de peu dhabitants ont plus de reprsentants que des localits qui en comptent plus. Cest une incongruit quil faut corriger dans le cadre dune dmocratie reprsentative. La taille de la population et du territoire doivent tre pris en compte.
Muette depuis longtemps, la socit civile, qui reprend son compte une partie des revendications de lopposition, napporte-t-elle pas de leau au moulin de ceux qui pensent quelle est le bras sculier de certains partis?
Il faut se dpartir de la mentalit partisane. Avant 2010, nous avons fait des propositions et nous tions en phase avec lopposition dalors. Aujourdhui les rles ont chang et ceux avec qui nous tions en phase hier nous taxent de bras sculiers de lopposition tandis que ceux qui taient au pouvoir hier saluent aujourdhui nos propositions. Tous les pouvoirs tentent de complexer la socit civile en laccablant de tous les maux. Nous ne sommes nullement le bras sculier de partis politiques et nous avons une haute opinion de notre mission, qui est une action citoyenne. Depuis 1990, date du retour du multipartisme dans notre pays, les lections ont toujours constitu des points dachoppements, avec leurs cortges de morts. Il faut pouvoir y mettre fin et nous voulons aider notre pays y arriver.
Ouakaltio OUATTARA