CAN : le rythme africain à l’épreuve des agendas mondiaux

La Confédération africaine de football a officialisé le passage de la Coupe d’Afrique des Nations à une périodicité quadriennale à partir de 2028. Une décision lourde de conséquences, qui relance le débat sur la place, l’autonomie et l’identité du football africain dans l’architecture mondiale du jeu.

L’annonce est tombée à Rabat, le samedi 20 décembre 2025, à la veille du coup d’envoi de la CAN Maroc 2025. Patrice Motsepe, président de la Confédération africaine de football (CAF), a confirmé que la Coupe d’Afrique des Nations ne se disputera plus tous les deux ans, mais tous les quatre ans à compter de 2028. L’édition 2027, prévue au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, est maintenue, avant l’entrée dans ce nouveau cycle calqué sur la Coupe du monde et l’Euro.

Officiellement, ce choix répond à une volonté « d’harmonisation du calendrier mondial » et s’inscrit dans une vaste réforme du football africain. Dans la même dynamique, la CAF annonce la création d’une Ligue africaine des nations, inspirée du modèle européen, organisée sur les dates FIFA, avec des dotations financières plus importantes. Le prize money du vainqueur de la CAN passera d’ailleurs à 10 millions de dollars dès l’édition 2025.

Derrière les chiffres et les arguments institutionnels, la décision soulève une interrogation de fond : à qui doit s’adapter le football africain ? Depuis plusieurs années, la FIFA, par la voix de son président Gianni Infantino, plaidait pour une CAN moins fréquente, jugée plus « viable » commercialement et plus compatible avec les calendriers des grands clubs européens. Une logique que beaucoup, sur le continent, perçoivent comme une mise sous tutelle déguisée.

Car la CAN n’est pas une compétition ordinaire. Elle est le cœur battant du football africain, un espace de visibilité unique pour les talents du continent, un moteur économique pour les fédérations, les diffuseurs, les États organisateurs et les acteurs locaux. Sa fréquence biennale permettait à l’Afrique de maintenir une présence régulière sur la scène mondiale, d’exister selon son propre tempo, sans attendre le bon vouloir des autres continents.

Réduire ce rythme, c’est mécaniquement réduire les opportunités d’expression, de revenus et de rayonnement. C’est aussi envoyer un signal ambigu à des millions de supporters pour qui la CAN demeure la fête suprême, le rendez-vous identitaire par excellence. Le football africain ne saurait être pensé uniquement à travers le prisme des intérêts économiques extérieurs ou des contraintes des championnats européens.

Patrice Motsepe défend, pour sa part, une vision ambitieuse. Convaincu que l’Afrique dispose « des meilleurs joueurs du monde », il affirme qu’un pays africain soulèvera un jour la Coupe du monde. Il a également salué l’organisation marocaine, avec les infrastructures « de classe mondiale », et remercié le roi Mohammed VI pour l’investissement consenti.

Reste que cette réforme engage l’avenir du football africain pour des décennies. Elle pose une question essentielle : l’Afrique doit-elle s’aligner pour être acceptée, ou affirmer ses propres priorités pour être respectée ? La CAN appartient aux Africains. Sa valeur ne se mesure pas seulement en droits télévisés ou en compatibilité de calendrier, mais en ce qu’elle représente pour tout un continent.

SYS 

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