Faible niveau des élèves : À qui la faute ?

Depuis les années 90, le niveau de l’éducation en Côte d’Ivoire est sujet à débat. Rapport après rapport, les institutions internationales ne cessent d’accabler le pays. Après deux décennies de crise, les investissements dans le secteur de l’éducation nationale n’ont jamais été aussi importants. Entre recrutement massif d’enseignants, augmentation salariale, gratuité de l’école, construction d’établissements etc., tout y est passé mais l’excellence tarde à suivre. Pis, l’école est devenue un grand malade et les comportements des élèves ne vont pas dans le sens de l’amélioration. Et, comme il fallait s’y attendre, la qualité de la formation laisse à désirer et ne fait que dégringoler. De quel mal souffre l’école ivoirienne ?

Le Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la confemen (PASEC) a publié sur son site, le 25 janvier dernier, son dernier rapport qui a porté sur 10 pays d’Afrique subsaharienne francophone, à savoir : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire, Congo, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. Le rapport a étudié, entre autres, le niveau de connaissance, les compétences, les aptitudes des élèves, l’échelle de compétences des enseignants. Hélas, les scores attribués à la Côte d’Ivoire dans certains domaines clés sont très bas. Notamment, dans son indice, scores moyens nationaux en mathématiques, où la Côte d’Ivoire est classée avant-dernière, juste devant le Tchad.  Le niveau des élèves dans le pays était déjà un problème. Avec cet énième rapport accablant, c’est le système lui-même qui est mis au pilori.  Dans la sous-région, d’après Kabran Assoumou, le directeur de cabinet du ministre de l’Education nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, la Côte d’Ivoire est le pays qui a le plus investi en matière d’éducation : recrutement massif d’enseignements, réhabilitations et constructions d’écoles, etc. Alors, pourquoi le niveau des élèves reste-t-il généralement englué dans le bas des classements des institutions internationales ? À qui la faute ? Autorités, enseignants, parents d’élèves et élèves sont sur la sellette.

Responsabilités partagées « Le ministère fait sa part », explique Kabran Assoumou, devant le tollé de commentaires que le rapport PASEC a provoqué sur la toile. Pour le ministère de l’Education nationale, des investissements colossaux consentis par le pays dans son système éducatif, aux efforts pour l’amélioration des conditions de vie des enseignants, en passant par les réformes, le gouvernement a joué son rôle. Sans faux-fuyant, les autorités pointent de l’index, la responsabilité des parents. « Là où nous péchons, c’est que le suivi des élèves. L’accompagnement nécessaire des parents laisse à désirer (…) Il faut absolument que les parents veillent à l’encadrement, au suivi du travail de leur enfants à la maison », estime Kabran Assoumou en évoquant le rapport Pasec.

Mais, les parents d’élèves sont-ils les premiers fautifs dans la baisse du niveau des élèves à l’école ? Non, répondent ces derniers. « Comment peut-on nous accuser de cela. Et, surtout, comment cela peut-il venir de celui qui est le premier responsable de la formation de nos enfants, c’est-à-dire, le ministère de l’Education nationale ? » S’insurge Claude Kadio, président de l’Organisation des parents d’élèves et d’étudiants de Côte d’Ivoire (OPEECI). L’Union nationale des parents d’élèves et d’étudiants de Côte d’Ivoire (UNAPEECI), bien que consciente du rôle des parents dans la formation de leurs enfants, souligne que les responsabilités sont partagées. D’abord, reconnaît l’UNAPEECI, les parents ont démissionné. De sorte que l’éducation de leurs enfants est confiée à la rue et aux enseignants qui ne sont pas exempts de tout reproches. Si le rapport PASEC note un niveau des enseignants plutôt satisfaisant, selon les parents d’élèves, l’une des causes du faible niveau de leurs enfants à l’école, c’est bien la qualité de la formation.  « Ce n’est pas faux », reconnaît Bertoni Kouamé, le porte-parole de la Coalition des syndicats du secteur éducation/formation de Côte d’Ivoire (COSEFCI). « Nous avons toujours demandé que le niveau de recrutement des enseignants soit revu à la hausse. Pour cela, par exemple, la COSEFCI a exigé la suppression du concours des instituteurs adjoints. Le BEPC d’aujourd’hui n’est pas le BEPC d’hier », explique-t-il. Avant de mettre l’accent sur la pédagogie.  « Il y a trop d’expérimentation à l’école. On fait du copier-coller sans que cela donne forcement des résultats (…) Il faut revoir le profil pédagogique. On nous a d’abord parlé de formation par objectif. Ensuite, on nous a dit que ce n’était pas le bon et qu’il fallait plutôt faire la formation par compétence. Mais en réalité, la formation par compétence ne veut rien dire. On doit plutôt parler de formation avec la compétence. Il faut faire en sorte que l’enfant, même s’il ne réussit pas à l’école, puisse faire un métier à l’avenir. Il faut pour cela s’appuyer sur les qualités intrinsèques de l’élève à l’école et les valoriser, plutôt que de lui faire apprendre des choses qui ne lui serviront à rien », détaille-t-il.

À côté de cela, selon Abba Eban, président du Mouvement national des enseignants de Côte d’Ivoire (MUNECI), il faut revoir les réformes apportées. Sont-elles bénéfiques, ou nuisent-elles au contraire aux enfants ? « Nous avons toujours dit que les cours le mercredi ne sont pas utiles. On ne nous a jamais écouté. Le résultat, le voilà », note Abba Eban, également membre du bureau exécutif de l’Intersyndicale de l’enseignement préscolaire et primaire de Côte d’Ivoire (ISEPPCI). Il faut définir un objectif clair à atteindre dans le système éducatif ivoirien, reprend Kouamé Bertoni. Or, dit-il, cela n’a jamais été fait. « Ça surcharge nos enfants et cela les perturbe », fait-il savoir.

Déviance  Mais, ces « enfants » eux-mêmes, n’ont-ils pas leur mot à dire ? Selon le Comité des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (CEECI), il y a trop de maux à soigner au sein de l’école. Phénomène des congés anticipés, fraudes, prostitution, etc. « Aujourd’hui, la facilité a gagné les élèves. Ils veulent vite aller en congé ; au lieu d’étudier, ils préfèrent s’amuser », dépeint le secrétaire général du CEECI, Karamoko Traoré. Responsabilités partagées ? Plutôt problème social profond, selon  Serges Dali Lida, maître de conférences en sociologie à l’Université Félix Houphouet Boigny. « (…)  Je préfère qu’on parle de déviance dans leurs manières d’agir, plutôt que de violence. Et les déviances, je peux vous dire qu’il y en a à l’école. Des élèves qui boivent avant de venir en classe ; des élèves qui veulent aller en congé alors que ce n’est pas encore la date ; des élèves qui vont déloger d’autres, etc. La tenue déjà pour aller à l’école pose problème. Au lieu de porter des pantalons normaux, on voit des élèves en ‘‘bas-tuyau’’. Vous choquez avec ça, c’est de la violence », énumère le sociologue.  À l’entendre, il y a un certain nombre de faits suffisamment inquiétants qui expliquent les maux de l’école aujourd’hui. L’école est-elle définie aujourd’hui comme un lieu, un espace social, une institution de socialisation (éducation et transmission de savoirs et de connaissances), ou une institution exclusivement réservée à la transmission des savoirs ? C’est la question, selon lui, qu’il faut se poser. « Le modèle actuel de l’école, y compris la manière dont les institutions internationales la positionnent, renvoie à un espace exclusivement dédié à la transmission du savoir. Le maître n’a pas le droit de taper l’élève. Ce dernier doit être traité non pas comme un enfant, mais comme un citoyen. L’enseignant ne peut pas le sanctionner comme il se le doit. De même, en famille, on vous dit de ne pas considérer l’enfant comme tel, mais comme un citoyen du monde. Par quel moyen voulez-vous qu’on amène l’enfant à changer ? »Questionne  Serges Dali  Lida.

Mais, tout n’est pas à jeter d’après le PASEC. Igen Desire Kauphy, responsable nationale de l’équipe PASEC Côte d’Ivoire, note que le pays a fait beaucoup de progrès dans de nombreux domaines, en début de scolarité notamment. « On ne peut pas dire que tout est sombre, catastrophique (...) », signale Igen Desiré Kauphy. Selon lui, le pays occupait le bas de l’échelle en 2009, dans le classement PASEC. Mais en 2019, à l’entendre, la Côte d’Ivoire a progressé.

Entre lueur d’espoir et rapports accablants, on peut sans risquer de se tromper, que l’école ivoirienne n’a pas encore totalement fait son autocritique.

Raphaël TANOH

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