Des rêves au fond de la méditerranée

Ceux qui parviennent à traverser la mer se voient bloqués aux portes de l’Europe.

Jeunes pour la plupart, ils sont des milliers d’Ivoiriens à braver chaque année les affres du désert, les réseaux mafieux et les vagues de la Méditerranée. Leur seul objectif étant de franchir les frontières européennes, à la recherche d’une vie meilleure, car l’Afrique est devenue pour eux une grande prison à ciel ouvert, dont il faut s’évader à tout prix. Malgré les conditions d’accès de plus en plus difficiles aux pays d’Europe et les blocages dans les pays d’Afrique du Nord, les candidats à l’immigration clandestine ne semblent pas se décourager. Les dangers qui les attendent semblent plutôt les galvaniser. Car si certains arrivent à franchir toutes les étapes de ce difficile voyage, pour les autres, cela vaut le coup d’essayer. « Chacun a sa chance », se disent-ils, pour justifier leur départ.

L'immigration clandestine a gagné presque tous les pays du continent africain. Si au départ, les candidats à l’exil acceptaient de passer par les procédures normales pour obtenir un visa, le durcissement des conditions d’accueil dans les pays d’émigration les ont poussé vers les voies illégales. En Côte d’Ivoire, de Daloa à Abidjan, en passant par San Pedro, les foyers de candidats à l’immigration sont nombreux, et les candidats avancent tous les mêmes arguments : précarité des conditions de vie, chômage, pauvreté, etc. Mais selon Marc Wossama Koné, président et fondateur de l’ONG « SOS Immigration Clandestine », la vraie motivation se trouve ailleurs, dans la perception qu’en Europe, on peut faire fortune en un clin d’œil. Une théorie renforcée par le fait de voir des « binguistes », ces Ivoiriens de la diaspora en Europe, se pavaner dans les rues des villes ivoiriennes pendant les vacances. Au sein de l’administration, on estime que les réseaux sociaux sont devenus l’un des principaux moyens de valoriser l’immigration. « Les Ivoiriens qui parviennent à atteindre l’Italie publient immédiatement des photos avec des habits neufs, devant des belles voitures ou font des selfies avec des Européens», explique Issiaka Konaté, directeur général des Ivoiriens de l’extérieur.

Une affaire de « Blackiss »

La ville de Daloa est devenue une plaque tournante des candidats au départ. La Cité des antilopes compte trois gares de départ. Si au début le secret régnait sur leur localisation, des langues ont vite fini par se délier à leur propos. Soko Diaby, imam adjoint de la Grande mosquée de cette ville, joint au téléphone, indique que les départs se font à quelques encablures du lieu de culte. « Ils prennent les véhicules aux quartiers Mosquée et Orli, et à l’Abattoir », précise-t-il. Mais qui sont-ils ? Le préfet de Police de Daloa, Kinabien Francis Ouattara, pense avoir la réponse. Lors d’une campagne de sensibilisation en juillet dernier dans cette ville, il n’a pas hésité à désigner les « Blackiss », ces jeunes commerçants du marché d’Adjamé dénommé « Black market ». Même s’il reconnait que des jeunes désœuvrés d’autres régions du pays sont aussi candidats au « suicide». Une thèse partagée par Karim Diallo, plus connu sous le nom de « Djanki », pour qui les jeunes de Daloa font aussi partie des aventuriers. Vendeur de téléphone au « Black market», Pédjoé Ouattara, dit « Rast », nous explique avoir vu partir des milliers de « Blackiss ». « Il s’agit généralement de ceux dont les affaires ne prospèrent pas, ou de certains qui veulent faire fortune très vite ». Mais la capitale économique n’est pas en reste. Interrogés sur l’existence de réseaux clandestins et de gares de transit à Abidjan, plusieurs de nos interlocuteurs ont bien hésité avant de répondre. « Il en existe. Il y a des recruteurs, mais cela se fait de façon discrète. Et pour les rencontrer, il faut se faire accompagner par quelqu’un qui est introduit dans le réseau », explique l’un d’entre eux, sous couvert de l’anonymat. Poursuivant, notre informateur indique que les départs se font comme pour tout voyage normal. Avec pour transit, le plus souvent, une ville du nord du Mali, et parfois du Burkina Faso, pour ensuite se rendre sur le territoire nigérien, porte d’entrée du désert.

Terrorisme et prison

Le plus dur de la traversée commence entre le Mali, le Niger et la Lybie. Si les frais de voyage, de la Côte d’Ivoire à la Lybie, sont estimés entre 500 000 et 1,2 million de francs CFA, rien ne garantit une suite favorable pour le reste du trajet. Esclavage, prison et recrutement par les organisations terroristes sont souvent au rendez-vous. Ce fut par exemple le cas d’Hassane Barry. Arrêté sous la fausse identité de Barry Battesti, ce jeune de 24 ans avait servi de chauffeur aux terroristes qui ont endeuillé la Côte d’Ivoire le 13 mars à Grand Bassam. Ayant suivi les routes de l’immigration clandestine, il avait été recruté par une filière terroriste entre le Niger et l’Algérie. Pour l’heure, aucune information ne circule sur le chiffre de personnes qui ont pu être enrôlés dans ces filières. Mais de source policière, les anciens candidats à l’immigration qui regagnent leur pays, sont très souvent surveillés de près. Pour les autres, ils encourent le risque de tomber dans des filières de traite humaine. Tandis que les filles sont livrées à des réseaux de prostitution, les hommes sont soumis à des supplices ou intégrés dans le narcotrafic. L’une des conséquences est que l’on dénombre aujourd’hui environ 850 personnes déte- nant des passeports ivoiriens dans des prisons libyennes. « Les plus chanceux arrivent à appeler leurs parents, qui acceptent de payer la caution réclamée. Une fois libérés, ils estiment avoir perdu beaucoup d’argent et avoir trop souffert pour retourner au pays », justifie Pédjoé, qui révèle n’avoir vu que deux de ses connaissances revenir après que l’aventure ait tourné court.

Rescapés maudits

Dans une campagne de sensibilisation initiée en vue de décourager les potentiels futurs candidats, la direction générale des Ivoiriens de l’extérieur, en plus des vidéos montrant les souffrances vécues en Lybie et en mer Méditerranée, donne la parole à certains rescapés. Parmi ceux-ci, Ahmed Coulibaly estime être devenu la risée de certains de ses camarades. Certains d’entre eux n’hésitent pas à le traiter de « maudit », pour avoir échoué là ou d’autres ont réussi, a-t-il rapporté. Emprisonné en Lybie durant une semaine, il a pu s’évader avec une centaine d’autres personnes. Et selon lui, moins de dix d’entre eux avaient décidé de retourner dans leur pays d’origine. « Les autres soutenaient que ce serait une honte pour eux de revenir», se souvientil. Comme pour paraphraser le chanteur Ismaël Issac : « Mieux vaut la mort dans la mer que la honte devant ma mère ».

Ouakaltio OUATTARA

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