Réseaux sociaux : Sous haute surveillance

Le boom des réseaux sociaux, on ne cesse de le dire, est accompagné de beaucoup de dérives. Échappant hier à toute législation, Facebook, Twitter et autres attirent aujourd’hui vers eux les regards des législateurs et de la justice. Propagande, diffamation, atteinte à l’image, etc., tout y passe. Pour l’année 2018, au moins quatre personnes ont été interpellées pour des vidéos ou publication de textes incitant à la haine et à la révolte ou jugés diffamatoires. Une condamnation a été prononcée, une remise en liberté provisoire accordée et deux autres dossiers sont toujours en cours d’instruction. Des décisions appréciées de diverses manières, mais qui posent la question de la liberté d’expression et celle des modes de surveillance des réseaux sociaux.

Philippe Kouadio Yao, 31 ans, agent d’entretien et père de quatre enfants, était loin de s’imaginer qu’un post ou un tweet pouvait le conduire derrière les barreaux. En mars dernier, des élèves de Toumodi (Centre) réclament bruyamment justice pour l’un des leurs, retrouvé assassiné. Ces violences, survenues le 5 mars, avaient fait de nombreux dégâts, dont le saccage et l’incendie de la Brigade de gendarmerie de la ville. La toile « s’enflamme » et se laissant aller dans le flot d’indignation, Philippe lance sur sa page : « il faut commencer à égorger les enfants des gendarmes et nous sommes en train de nous organiser ici, à M’Bahiakro. Restez à l’écoute ». La publication attire l’attention des services de police, qui ne tardent pas à mettre la main sur lui le même jour, à son lieu de service, un supermarché d’Abidjan.

Avertissement Lors de sa comparution devant le tribunal correctionnel d’Abidjan, il a reconnu les faits et imploré la clémence. « J’ai supprimé mon commentaire après avoir constaté les dégâts, et j’ai posté une vidéo pour demander pardon à la Nation et aux gendarmes (…). Je demande pardon ! », lancera-t-il. Le tribunal ne l’entend pas de cette oreille et le condamne à 12 mois de prison ferme, plus une amende de 5 millions FCFA, pour dérive sur les réseaux sociaux. Une première en Côte d’Ivoire. Le procureur Richard Adou monte au créneau. « Ces faits sont extrêmement graves. Il était question pour nous de démontrer à tous ceux qui font des dérives sur les réseaux sociaux que, tout d’abord, nous avons l’arsenal juridique qui permet de les rechercher, de les traquer et de les appréhender ». Le ton est donné. Le procureur va plus loin en indiquant que la justice a les moyens techniques et technologiques pour retrouver tous ceux qui font des dérives et que ses services ne toléreront plus jamais cela, parce qu’il est « inacceptable qu’on puisse livrer à la vindicte populaire des enfants. C’est ça l’objectif de ce procès ». La défense, qui avait jugé la décision du tribunal « assez raisonnable », n’a pas fait appel et est même allée plus loin, en expliquant « c’est une décision pédagogique, pour dire aux uns et aux autres qu’il faut faire attention dans l’usage des réseaux sociaux. Nous (les trois avocats), nous ne cautionnons pas l’acte, mais nous sommes venus dire que l’un d’entre nous aujourd’hui a fauté mais qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il faut qu’on lui donne une chance de se resocialiser », a déclaré Me Amany Kouamé, l’un des avocats de Yao Kouadio Philippe. Les mises en garde du procureur et les recommandations de la défense n’ont pas pour autant empêché la survenue d’autres cas. L’on peut citer le cas de l’Imam Aguib Touré, interpellé pour incitation à la révolte après une série de prêches, avant de bénéficier d’une liberté provisoire à la veille de la fête de Tabaski. Moins chanceux, Israel Konan, se présentant comme un pasteur, avait été interpellé alors qu’il faisait une vidéo « en direct sur les réseaux sociaux ». La police était déjà à ses trousses après plusieurs autres vidéos jugées « tribalistes et incitant à la haine ». Il risque une peine allant de 10 à 20 ans de prison, plus une amende de 5 à 10 millions de francs CFA pour incitation à la haine. Le journaliste Gaoussou Ouattara, du quotidien « Le patriote », a également été entendu récemment par le procureur, saisi par le Vice-président de la Fédération ivoirienne de football (FIF), Sory Diabaté, pour diffamation. Le journaliste avait repris sur sa page Facebook un article traitant de pots de vin perçus dans le milieu sportif en y ajoutant un commentaire, qui faisant le parallèle entre cet article et certains « hommes du football ivoirien », sans les nommer.

Prise de contrôle Les services de police et de la justice semblent depuis lors en alerte. De source policière, des spécialistes suivent et passent au peigne fin tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux. « Une sorte de monitoring s’est installé afin de mettre fin aux activités de tous ceux qui pourraient commettre des délits via les réseaux sociaux », confie notre source policière. Mais la tâche n’est pas pour autant plus aisée. Avec le flux d’informations publiées chaque jour, il est évident que certains manquements passent inaperçus. Devenu presqu’un baromètre de l’opinion publique, le virtuel a de plus en plus d’impact sur le réel. «  Ce qui est virtuel peut  avoir des incidences sur notre réalité. La justice peut et doit se pencher dessus »,  préconise Paul-Hervé Agoubli, enseignant-chercheur au département de Lettres modernes de l'Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, et coauteur de l'ouvrage « Les réseaux sociaux en ligne, problématiques des nouvelles transparences ». Il poursuit en indiquant que, pour les experts français, la société de l'information induit une idéologie nouvelle, différente des logiques du marxisme et du libéralisme. Ils prévoyaient qu'elle serait (la société de l'information) une société désarticulée, avec moult conflits non plus centrés mais désormais décentrés, dans laquelle plus les gens font l'histoire moins ils savent quelle histoire ils façonnent. Paul-Hervé Agoubli regrette l’absence d’un cadre de réflexion sur le concept pour qu'on sache ce qu'il recouvre dans notre cas spécifique. « Est-ce que la justice restreint les libertés? Quelles libertés seraient-elles ainsi compromises? Peut-on tout faire sur les réseaux sociaux en ligne? », s’interroge l’enseignant-chercheur, avant d’indiquer que si l’on « s'accorde sur un minimum, on saura prendre son parti sur le bien-fondé de l'action judiciaire ». Ces interrogations, que se posent bon nombre d’internautes, les emmènent parfois à appeler à la prudence « Nous interpellons les uns et les autres sur les dangers qu’ils encourent en diffusant tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Faites vraiment attention! », lancent de temps en temps certains internautes face à certains post à caractère diffamatoire et autres propos haineux. 

Responsabilité Le procureur de la République Richard Adou, de même que certains avocats, insistent sur la responsabilité individuelle et pénale de chaque internaute. Ainsi, explique un avocat, « si les réseaux sociaux permettent une avancée démocratique, il est bon que celle-ci se fasse dans le respect des règles qui régissent la société ». Avis partagé par certains internautes, qui estiment tout de même que l’absence de cadre formel d’échanges a conduit « certains à se défouler sur les réseaux sociaux, qui leur offrent une opportunité de s’exprimer à tout moment et sur tous les sujets qui les concernent et qui pourraient être d’intérêt public ou non », se défend l’un d’eux, selon lequel « réguler n’est pas mauvais. Il faut juste faire en sorte que les internautes ivoiriens n’aient pas peur de faire connaitre leur point de vue et de le défendre ».

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