Réfugiés au Ghana : voyage au bout de l'exil

Des exilés proches de leur pays mais loin du retour.

En dépit du retour en Côte d’Ivoire le 30 juin dernier de l’ex-ministre de la Défense, Bertin Kadet et de trois autres membres de l’ancienne galaxie patriotique, le véritable noyau dur du camp Gbagbo continue de camper sur sa position. Pour ceux qui ont fui la Côte d’Ivoire après la chute de l’ex-président, le 11 avril 2011, pas question de revenir au pays. Du moins, pour l’instant. Selon le rapport consolidé du rapatriement volontaire des refugies ivoiriens publié le 30 juin 2016 et renseigné par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ils sont exactement 11 419 Ivoiriens qui demeurent au Ghana, dispersés entre trois camps de réfugiés et les grandes villes de ce pays voisin. Reportage.

Au bout de la piste poussiéreuse qui mène au camp d’Egyeikrom, près de la ville côtière d’Elmina, le refus est catégorique : les quelques 2 060 Ivoiriens qui vivent là depuis plus de cinq ans s’opposent à toute visite, ministérielle comme médiatique. La dernière personnalité à en avoir fait les frais est Mariatou Koné, ministre de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de l’Indemnisation des victimes. Sa visite en mai dernier, a été bloquée par un important mouvement de foule.

Population très politisée
Devant la guérite de l’entrée principale, deux réfugiées en charge de la sécurité restent amères. « On ne revient pas tant que Gbagbo n’est pas libre ! », lance l’une d’elles, assise sur un banc, alors qu’une vendeuse de maïs lui propose ses services. Ici, dire son nom, c’est déjà donner des indices. Parler de son origine, c’est aussi s’exposer. Tout juste, sait-on que « 99,99% des habitants du camp sont essentiellement des pro-Gbagbo», témoigne, sous couvert de l’anonymat un réfugié rencontré quelques kilomètres plus loin. Pourquoi ne pas répondre aux appels du gouvernement qui invite à rentrer au pays ? « Parce que Ouattara ne dit pas la vérité», lâche-t-il. « Notre ami Sibahi Célestin est rentré et s’est fait découper », lâche-t-il. « Et puis, en tant que jeune de l’Ouest, tu n’as rien tant que ce pouvoir est en place», reprend le quadragénaire. C’est donc pour des raisons politiques que ces réfugiés au nombre desquels l’ancien maire d’Alépé, François Kouaho, refusent de rentrer. Les nombreuses revendications dans ces camps sont politiques. «Les réfugiés regrettent l’absence d’une loi d’amnistie, et s’inquiètent de l’absence de liberté pour les médias», souligne Bénédicte Voos, de la représentation du HautCommissariat aux Réfugiés, revenant sur une rencontre tenue au Ghana Refugee Board (agence nationale pour les réfugiés), il y a plusieurs semaines. « Ils ont également mentionné la libération de tous les prisonniers politiques, demandé le dégel des avoirs, ainsi que la publication des rapports de la Commission dialogue, vérité et réconciliation [...]. Ils ont aussi dénoncé l’implication biaisée des autorités religieuses dans le processus de réconciliation, et affirmé qu’ils ne se reconnaissent pas dans la description d’exilés volontaires», poursuit-elle.

Vie difficile
Les conditions de vie dans le camp ne sont pas enviables, même avec de l’eau courante, pour certains l’électricité, l’accès aux soins de santé. Il y a même des maquis et Canal+. « Mais, ajoute Bénédicte Voos, l’accès à un emploi formel est difficile, en raison du chômage. De même qu’au logement, car il faut payer un an de loyer d’avance». Avec la multiplication des crises mondiales, les fonds disponibles pour les réfugiés du Ghana se réduisent. « La communauté internationale a dû couper les distributions de vivres en septembre 2015 », explique Bénédicte Voos. « Le HCR avec ses partenaires a lancé, depuis 2012, des activités d’appui aux moyens d’exis- Journal d’Abidjan - l’Hebdo tence pour les réfugiés en termes de microfinance, et de soutien aux activités d’élevage et de vivrier, dans le souci de promouvoir l’autosuffisance des réfugiés. Les enfants, qui ont accès à l’éducation primaire et secondaire gratuite dans l’école ghanéenne des camps, ou aux alentours, reçoivent les cours du programme ghanéen. Mais, travailler reste compliqué, et entreprendre un combat. « Les réfugiés ont difficilement accès au crédit bancaire du fait de leur statut, tout comme il peut être compliqué pour eux d’être autorisés à vendre des marchandises sur les marchés», reprend-on du côté du HCR.

Exil militant
Pourtant, le retour n’est pas encore envisagé. Les exilés suivent attentivement et collectivement le procès de leur mentor Laurent Gbagbo à la Cour Pénale Internationale (CPI), dans une ambiance parfois survoltée. Les plus hardis arrivent à décrocher un emploi de maçon, relativement mieux payé, « même si la vie est plus chère ici », nuance Charles. Ils restent en contact avec leur famille, dont certains membres viennent leur rendre visite. Les personnalités en exil les plus influentes de l’opposition se rendent parfois sur les lieux pour leur apporter un soutien moral, matériel ou financier. « Léa Gbagbo [fille de l’ancien chef de l’Etat ndlr] nous a rendu visite, Justin Koné Katinan [Porte-parole de M. Gbagbo] aussi. L’ambassadeur de Côte d’Ivoire a essayé de venir pour nous convaincre de rentrer, avec de l’argent, mais on l’a chassé », révèle Charles. Mais, ce quotidien n’est pas celui de tous les exilés au Ghana. Certains d’entre eux préfèrent le milieu urbain, qui offre plus de possibilités et moins de surveillance. Parmi les cadres du Front populaire ivoirien (FPI) encore présents là-bas, Damana Adia Pickass, ex-président de la jeunesse de ce parti assume l’aspect politique de ces réfugiés, « qui ne fuient pas pour cause de catastrophe naturelle ». « Je ne voudrais pas que la situation des réfugiés soit détachable de la crise ivoirienne. Elle en fait partie, au même titre que le procès de Laurent Gbagbo », martèle-til. Depuis sa résidence où il vit grâce au soutien de ses proches, Emile Guiriéoulou, ex-ministre de l’Intérieur, déplore « l’oisiveté » de ses journées et a le « mal du pays ». Mais, il se satisfait de pouvoir consacrer son temps à l’écriture et à la réflexion politique. « Notre contribution à la lutte est plus utile en exil qu’en Côte d’Ivoire », analyse-t-il, avançant que rentrer au pays implique « de se taire, de collaborer avec le régime ou se faire mettre en prison ». Un exil aussi militant que forcé que semble préférer, pour l’instant, la majorité d’entre eux.

Noé MICHALON, envoyé spécial au Ghana

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